Au vu des avancées scientifiques et des nouvelles connaissances acquises, le moratoire sur le génie génétique n’a selon elle plus lieu d’être. On en sait aujourd’hui nettement plus long sur le matériel génétique des plantes utiles qu’il y a encore 20 ans. Le matériel génétique de la plupart des plantes utiles a désormais été décodé. Et les méthodes pour y parvenir sont de moins en moins chères et au contraire toujours plus rapides et précises. Les ciseaux génétiques CRISPR/Cas9 sont en outre une méthode nettement plus précise pour modifier le matériel génétique des plantes. L’expérience en matière de culture de ces plantes a elle aussi augmenté partout dans le monde. On sait aujourd’hui que la culture de plantes génétiquement modifiées ne constitue aucun danger pour l’homme ni pour l’environnement. La chercheuse explique que l’édition du génome est beaucoup plus précise que les méthodes de sélection traditionnelles, qui misent sur des produits chimiques ou un traitement radioactif des plantes (mutagénèse aléatoire). Il lui semble donc tout à fait pertinent de soumettre l’édition du génome à la même réglementation que la mutagénèse, autorisée par la loi et utilisée même dans l’agriculture biologique. Une simplification du processus d’autorisation pour de nouvelles sélections permettrait en outre à l’avenir à de petites start-ups et à des PME de cultiver des plantes à l’aide de ces nouvelles méthodes. Contrairement au génie génétique du passé, même une personne travaillant seule peut modifier une variété au moyen de ces nouvelles méthodes.
Des opportunités dans la pratique
Le cultivateur et producteur de fruits Beat Lehner a franchi le cap de la théorie à la pratique. Selon lui, la sélection végétale ne va faire que gagner en importance tandis que les produits phytosanitaires continueront d’être confrontés à une forte pression. Bon nombre d’entre eux seront retirés du marché. En outre, le changement climatique pèse sur les conditions de culture: «Nous avons besoin à l’avenir de toutes les composantes nécessaires à la production de fruits», déclare-t-il. Mais la sélection d’une nouvelle variété de fruits peut prendre des années, voire des dizaines d’années. Les premières pommes résistantes aux incendies, sélectionnées à la suite des dégâts dévastateurs de 2007, n’arrivent sur le marché qu’aujourd’hui, soit 15 ans plus tard. L’édition du génome permettra d’accélérer le rythme de mise sur le marché de nouvelles variétés résistantes aux maladies. Pour autant, elle ne signe pas la fin des méthodes de sélection classiques. «Elle permet simplement de réagir plus vite et de manière plus ciblée», précise Beat Lehner. Du reste, il est essentiel pour le cultivateur de pouvoir «perfectionner» des variétés standards existantes. Sans compter que des variétés résistantes entraînent des quantités inférieures de fruits pourris et réduisent donc le gaspillage alimentaire. |